Origine :
Royaume - Uni
Style : Néo progressif avec des morceaux de Jethro
Tull
Dernier album : Songs from the Bilston House
(2007) |
Ayant un court instant
abandonné ses comparses de The Tangent, le guitariste Guy Manning
est revenu, fin 2007, avec un magnifique disque Songs from The
Bilston House, empreint de clins d’oeil au prog des années
soixante-dix sur lequel l’ombre du génial Ian Anderson se tapit au
détour d’un couloir. L’entretien, réalisé par e-mail, manque sans
doute un peu de spontanéité, mais l’occasion de lire cet artiste est
trop rare. Profitez-en !
Progressia : Bonjour Guy ! C’est un vrai plaisir de te rencontrer,
même par la voie virtuelle. Songs from Bilston House a
vraiment été apprécié par la rédaction de Progressia, alors, avant
toute chose : félicitations ! De nombreuses influences
s’entrecroisent dans cet album : ambiances celtiques, rappels à
Genesis ou à Jethro Tull, pour ne citer que celles-ci. As-tu
quelques mots à dire sur ces influences et leur présence dans ton
univers ? Pourquoi les as-tu choisies, qui as-tu contacté ?
Guy Manning : J’aime de nombreuses musiques, et lorsque je
compose, elles sont toutes à ma portée, prêtes à être modelées,
utilisées, légèrement modifiées. Les premiers artistes que j’ai
écoutés étaient Alice Cooper, Lindisfarne, Wishbone Ash. Plus tard,
j’ai découvert Jethro Tull, Genesis, Yes, Roy Harper, Al Stewart,
Hatfield & the North. Mon univers musical a pris racine à partir de
ces précurseurs.
Cherches-tu à réorienter radicalement ton style à chaque nouvel
album ou quelques petites nouveautés ponctuelles te suffisent-elles
?
Je ne suis pas sûr de bien comprendre cette question. Si tu me
demandes si j’essaie à chaque nouveau disque de faire quelque chose
de différent, je répondrais par l'affirmative, sans hésiter.
J’essaie sérieusement et en conscience de développer des sons
nouveaux pour garder mon public en alerte. Je ne souhaite pas que
tous les albums sonnent de la même manière. En même temps, j’ai
différentes idées (en terme de concept, par exemple) qui peuvent
dicter et orienter la musique et les paroles.
Certaines personnes trouvent ta voix troublante, étrange : que
leur répondrais-tu ?
Je remercie toute personne formulant une remarque positive sur ma
voix. Ce n’est pas toujours le cas ! De nombreux rédacteurs m’ont
demandé de me taire et de refiler le micro à quelqu’un d’autre…
Quel est exactement le concept de Songs from Bilston House,
peux-tu raconter cette histoire à nos lecteurs ?
Je participais à un festival à la fin de l’été 2006, à Bilston, une
ville du centre du Royaume-Uni. J’étais hébergé dans un très joli
hôtel avec un autre groupe, les Norvégiens de White Willow, et aussi
avec un macaque nommé Barney. Je suis resté deux jours entiers pour
les concerts et faisais ainsi des allers-retours à mon hôtel. Au
bout de la rue, il y avait une maison en ruine devant laquelle était
plantée une grande pancarte avec l'inscription suivante : « N'entrez
pas ici ! La dernière personne qui a essayé est morte ! ». Comme
nous passions toutes nos journées devant elle, j’ai commencé à
imaginer ce qui avait pu s'y passer, quels étaient les gens qui y
vivaient et quelles auraient été les histoires qu’ils auraient eu à
nous raconter. Le concept de l’album est né de cette histoire,
chaque chanson correspond à une pièce (sauf le titre) à une époque
particulière.
Songs from Bilston House est un album de rock progressif.
Es-tu d’accord ou non avec ce qualificatif ? Et pourquoi ?
Il y a des éléments progressifs dans ce disque mais je ne suis pas
sûr qu'il appartienne en réalité au genre. J’aime utiliser de
nombreux instruments, construire et élaborer des passages
instrumentaux et écrire des chansons qui, à mes yeux ne sont pas
seulement des chansons d’amour. Certaines sont longues et faites de
suites entremêlées : est-ce progressif pour autant ?
Une tournée est-elle prévue ? Si oui, quand et où ?
Je suis à la recherche de musiciens pour mettre en place une série
de concerts. C’est la croix du compositeur qui travaille seul et n’a
pas un groupe déjà formé à portée de main ! Quand je veux faire une
tournée, je dois d’abord mettre en route une campagne d’auditions.
On m’a proposé quelques dates cette année mais j’aimerais en faire
un peu plus, surtout en Europe et aux Etats-Unis ou je n’ai jamais
eu la chance de me rendre. Aussi, trouvez-moi un festival et
j’arrive ! Pour l’instant, les dates anglaises en priorité…
Ambiances oniriques, chansons longues, rêveries, jolies pochettes...
selon toi, qu’est-ce que le progressif, aujourd'hui ?
Le terme progressif employé pour la musique s’est pour moi toujours
résumé à une énigme. Dans ce courant, il y a de nombreux groupes qui
ne se ressemblent pas et n’ont strictement rien en commun, sans que
l'un d'entre eux émerge du lot. Aujourd’hui, le prog est devenu un
peu « underground ». Tout a commencé à s’éteindre à la fin des
années soixante-dix, époque où nous étions déjà qualifiés de
dinosaures musicaux. Il semble y avoir un retour aujourd’hui mais
les groupes à gros succès qui seraient concernés (Radiohead ou
Porcupine Tree) ne se réclament absolument pas de cette étiquette.
Ils réfutent toute association même s’il est évident pour un grand
nombre d’entre nous que leur univers musical se situe dans la sphère
progressive. Une vraie honte.
En quelques mots, peux-tu expliquer ta décision d’effectuer une
carrière solo ?
Mais ce n’est pas une carrière solo ! J’essaie d’écrire seul : un
album solo est un album composé par le membre d’un groupe lorsqu'il
lui laisse un peu de temps libre. J’écris des disques et les réalise
sous mon propre nom, rien de plus.
Penses-tu être un héritier direct des années soixante-dix (Jethro
Tull ou Genesis par exemple) ? Penses-tu que cette musique des
origines a encore beaucoup de choses à nous apprendre ?
J’en suis sûr. Nous mêlons tous la musique à nos idées, mes chansons
ont une saveur « tullesque » mais elles ne sonnent pas exactement
comme celles de Jethro Tull ! Il y a d’autres éléments qui y sont
mêlés : une sorte de mélange entre Tull, Al Stewart, Roy Harper,
Hatfield. Ces albums merveilleux ont été réalisés entre les années
soixante-huit et soixante-dix-huit et ont eu un retentissement inouï.
On peut toujours apprendre du passé, il met en forme notre futur.
Quelle est ton opinion sur la musique aujourd’hui ? L’avenir du rock
progressif, le téléchargement ?
La question est délicate… Nous vivons une époque de changement et le
CD sera de l’histoire ancienne dans moins de dix ans. Les gens
téléchargeront tout sur internet. Cela engage m'inspire deux
réflexions. La musique sera bien plus facile à écouter, mais il y en
aura bien trop : le jeune amateur de musique n’aura pas assez de
temps pour s’investir sur un disque, il aura tout ce qu’il désire en
très peu de temps et pourra se lasser au bout de quelques secondes,
sans vraiment chercher à approfondir son écoute. Vous ne pouvez pas
vraiment faire autre chose en écoutant Tales from Topographic
Oceans ou Thick as a brick ! La génération plus ancienne
a plus d’argent à dépenser mais moins de temps. C’est la raison pour
laquelle notre style restera confidentiel, voire sera amené à
s'éteindre… Je crains aussi que les liens entre la musique,
l’artwork, les paroles et le concept ne soient amenés à disparaître
: mes productions proposent des liens importants entre toutes ces
données. Concernant le téléchargement illégal, c’est un moyen pour
la musique de circuler facilement et rapidement dans le monde entier,
mais en même temps, il soutire l’argent à l’artiste qui a investi.
Si les gens sont honnêtes et « essayent avant d’acheter », en gros,
s’ils téléchargent, je pense que le point de vue des artistes peut
être différent. La réalité, c’est que les gens se servent
gratuitement et l’argent qui devrait permettre de réaliser un nouvel
album disparaît totalement.
Aimerais-tu jouer dans une grosse production épique, comme Ayreon
ou le projet Colossus ?
J’adorerais, mais on ne m’a jamais demandé de participer à un projet
de Lucassen. En revanche, je suis intervenu avec Andy Tillison sur
le projet de Colossus Spaghetti epic, nous étions le « groupe », La
voce del vento. J’aime la musique, donc, si c’est bon, je me lance !
Propos recueillis par
Jérôme Walczak |